Frédérique Charbonneau a baptisé son exposition de sculptures : « On y va ? » . Cette question en induit deux autres, radicales , fondamentales , existentielles : « On va où ? » et « On vient d’où ?
Ses sculptures en bronze plat , en bronze et bois, nous ramènent aux prémisses de l’humain. A l’origine du monde . Elles évoquent irrésistiblement ces images primitives d’hommes à demi-nus, accroupis auprès d’un feu où la matière brute – résidus de fer – est en fusion dans un minuscule creuset de terre, à même le sol. Mais le fondeur traditionnel est presque toujours prisonnier de sujets répétitifs, imposés par les coutumes , le village. Frédérique Charbonneau leur insuffle,au contraire, une vision humoristique, parfois surréaliste, et même freudienne. Elle nous renvoie au regret et à la tristesse que laisse la certitude que des peuples, des savoirs , des langues , des modes de vie vont disparaître dans la nuit des temps, jusqu’à l’oubli.
Pour fabriquer ses sculptures , FC s’est adressée à un fondeur du Burkina Fasso, dont les gestes et les techniques se transmettent de pères en fils depuis toujours. Elle a eu l’intuition que l’activité manuelle – surtout si son inspiration est brute , naturelle , vivante – nous rassure et nous séduit, comme une promesse de pérennité et d’éternité. Mais en même temps, elle s’en amuse , et nous amuse. Sa femme de bronze assise sur un buffle blanc en bois , ATTEND. Elle attend quoi ? Que l’humanité se succéde à elle-même, de générations en générations , à travers les siècles .
Sa grande sculpture en forme d’arbre , en bronze boulonné, à des branches articulées et mobiles. Elle y a accroché des jambes de femmes .Peintes en bleu. On peut les changer , si on veut , contre les mêmes , en rouge.
« Si les hommes avaient pu, ils auraient remplacé les branches et les feuilles des arbres par des jambes de femmes » dit-elle avec son humour empreint de tendresse. « Moi, je l’ai fait ! »
Une manière pour elle – et pour nous – de résister au chaos du monde .
Catherine Lamour